Un drôle d'oiseau se cache dans cette forêt.
Les arbres sont son dernier salut, son seul éden, sa demeure ultime. Avec
son apparence grise, sa silhouette sombre, sa face pareille à une écorce, son
pas auguste, sa présence incongrue dans les profondeurs de la sylve, il pourrait
paraître effrayant. Et il l'est certainement.
C'est un loup.
Mais il ne sort jamais du bois, cet animal-là.
Au contraire il ne cherche qu'à fuir le monde, les humains, le bruit des
villes et les fracas du siècle. De jour comme de nuit, il erre dans les moindres
recoins de son univers végétal. Il lui arrive de s'éloigner de sa tanière à
n'importe quelle heure, pour y revenir fatigué, trempé, affamé. Ce sont là ses
us, ses désirs, sa vie. Son bonheur brut, assurément !
Sobre, fier, franc, solitaire, il consacre son temps à poursuivre des
causes essentielles, sans cesse en quête d'air léger, de vent fou, de chemins
clairs et d'aubes éternelles. Il ne prend que des directions verticales,
n'avance que pour gagner en hauteur, ne marche que pour mieux s'envoler. Aucun
piège ne l'arrête : il se gave de liberté et saute par-dessus toutes les
lourdeurs du sort.
Son coeur de fauve a besoin du baiser des cailloux, des caresses de la
glace et de l'étreinte du feu pour battre plus fort encore ! L'âpreté est son
ivresse, la nature son alliée, l'épreuve sa force.
Peu d'hommes ont eu le privilège de croiser sa route : il reste toujours
discret, furtif, insaisissable, se réfugie dans les plus secrets espaces de
verdure, loin des passages fréquentés. Et le soir se terre dans son antre,
entouré de feuillus et de silence.
C'est une créature de la friche née pour se rouler dans la fraîcheur de
l'humus, respirer les flammes d'un céleste idéal et rêver d'amour au milieu des
ronces.
En réalité je connais très bien cet être pas comme les autres qui hante ces
lieux.
Cette bête sauvage, c'est moi-même.
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