Quel merveilleux concert que les croassements des corbeaux au-dessus de ma
demeure ! Les cris délicieusement rauques de ces spectres au plumage ténébreux résonnent comme des cloches fêlées dans l'air, apportant une profondeur
supplémentaire à la forêt.
Lorsqu'ils rasent mon toit, c'est à chaque fois un événement exceptionnel
pour moi. Les apercevoir de si près en plein vol m'enchante, me subjugue ! Avec
leurs ailes semblables à des capes mortuaires, ils ont l'envergure de
personnages de prestige, l'attitude de mystérieux dignitaires, la majesté
d'augustes messagers.
Quand ils brisent la quiétude de l'aube de leur chant funèbre, j'ai
l'impression d'entendre les grandes orgues du ciel. Ces princes en robe de nuit
illuminent le jour de leur sombre éclat. Et éclairent mon coeur de leur
splendeur sépulcrale.
J'imagine que ces divins charognards voient en moi un gibier potentiel
depuis leur hauteur de vautours... Lorsqu'ils survolent ma maison en m'observant
de leur oeil de croque-morts, espèrent-ils que je trépasse afin que je leur
serve de macabre festin ? Peut-être bien... N'importe ! Cela n'enlève rien à
leur charme.
Ils me font rêver avec leurs plaintes caverneuses, leurs bras noirs, leurs
profils de cauchemars.
Ces hôtes des brumes ont la beauté des seigneurs, la prestance des
aristocrates, la noblesse des couronnés. Ils méritent mon admiration d'ermite
!
En toutes circonstances ils arborent des allures hautaines d'oiseaux
d'élites, pour cette raison je les maintiens au sommet de mon estime.
Nous nous ressemblons beaucoup en tant qu'ombres des bois, eux les
épouvantails en manteau de deuil, moi l'homme des breuils en chapeau de paille.
Nous sommes finalement des fantômes : eux dans les nues, moi sur l'humus.
En les écoutant crailler, je me crois soudain aussi grand qu'eux.
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