lundi 9 juin 2025

55 - Cris des corbeaux

Quel merveilleux concert que les croassements des corbeaux au-dessus de ma demeure ! Les cris délicieusement rauques de ces spectres au plumage ténébreux résonnent comme des cloches fêlées dans l'air, apportant une profondeur supplémentaire à la forêt.
 
Lorsqu'ils rasent mon toit, c'est à chaque fois un événement exceptionnel pour moi. Les apercevoir de si près en plein vol m'enchante, me subjugue ! Avec leurs ailes semblables à des capes mortuaires, ils ont l'envergure de personnages de prestige, l'attitude de mystérieux dignitaires, la majesté d'augustes messagers.
 
Quand ils brisent la quiétude de l'aube de leur chant funèbre, j'ai l'impression d'entendre les grandes orgues du ciel. Ces princes en robe de nuit illuminent le jour de leur sombre éclat. Et éclairent mon coeur de leur splendeur sépulcrale.
 
J'imagine que ces divins charognards voient en moi un gibier potentiel depuis leur hauteur de vautours... Lorsqu'ils survolent ma maison en m'observant de leur oeil de croque-morts, espèrent-ils que je trépasse afin que je leur serve de macabre festin ? Peut-être bien... N'importe ! Cela n'enlève rien à leur charme.
 
Ils me font rêver avec leurs plaintes caverneuses, leurs bras noirs, leurs profils de cauchemars.
 
Ces hôtes des brumes ont la beauté des seigneurs, la prestance des aristocrates, la noblesse des couronnés. Ils méritent mon admiration d'ermite !
 
En toutes circonstances ils arborent des allures hautaines d'oiseaux d'élites, pour cette raison je les maintiens au sommet de mon estime.
 
Nous nous ressemblons beaucoup en tant qu'ombres des bois, eux les épouvantails en manteau de deuil, moi l'homme des breuils en chapeau de paille. Nous sommes finalement des fantômes : eux dans les nues, moi sur l'humus.

En les écoutant crailler, je me crois soudain aussi grand qu'eux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire