Lorsque la Lune brille et que je ne parviens pas à trouver le sommeil, et
si le temps dehors est favorable, je passe la nuit sur le toit pour admirer
l'astre. Je sors alors par la lucarne et, muni d'un oreiller et d'une
couverture, m'étends confortablement sur les tuiles.
Là, à hauteur congrue, seul au monde, couché sur le faîte de ma maison
comme sur un lit pentu, entouré de l'immense forêt, je bois le silence nocturne
à pleines gorgées, m'enivrant de la lumière lunaire sans modération.
Fasciné par le phare céleste, j'y vois presque comme en plein jour. Vue de
ce modeste sommet, qu'elle me semble loin la ville avec ses néants criards, la
ville et ses futilités sans joie, la ville et ses hommes désenchantés ! Ici,
c'est rien que la nature et le ciel, juste l'essentiel, aucun artifice, pas plus
qu'il ne me faut.
Parfois j'aperçois un avion chuintant au firmament qui vient rompre le
calme... Il vole si haut qu'il m'en paraît irréel. Je sais que cet engin
clignotant est énorme mais je le perçois aussi minuscule qu'un fétu de paille
dans les nues. J'ai du mal à imaginer que des gens sont transportés à
l'intérieur. Dorment-ils en cette heure tardive dans leur chariot ailé ?
Se doutent-ils qu'en bas, quelque part dans l'ombre de la terre une pauvre
fourmi d'ermite contemple l'Univers depuis sa toiture ?
Peut-être que parmi ces pigeons voyageurs, il y en a un plus lucide que les
autres qui à travers le hublot devine les coins cachés de la réalité et
indirectement pense à moi sans me connaître...
Tout à ces pensées, tandis que Séléné vogue au-dessus de ma féconde
solitude, éclairant le paysage de sa lueur crépusculaire, lentement je m'enfonce
dans les profondeurs des constellations comme dans un rêve qui s'installe, monte
progressivement vers les étoiles jusqu'à en éprouver le vertige. Je plane,
immobile sur mon humble point culminant.
Cette couche improvisée sur le plan supérieur de ma demeure est mon
promontoire vers l'infini.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire