Les ronces autour de ma demeure sont une bénédiction. Elles me permettent
de bien m'occuper les jours où je n'ai rien à faire. Ces arbrisseaux qui
paraissent remplis de haine avec leurs aiguillons sont fort profitables en réalité
: ils m'offrent un excellent labeur, ce qui par ailleurs me rend grandement
service car le travail manuel fait également germer en moi de belles
pensées.
Une fois laborieusement coupées, ces épines sèchent à l'air en libérant de
l'espace vital. J'en apprécie les fruits : mes chemins s'allongent, mes heures
se prolongent.
Et mon temps prend de la valeur.
Après m'être donné du mal à les réduire en tas inoffensifs, j'en fais du
feu bénéfique dans ma cheminée, ainsi que de la cendre qui s'emploie à tout. Ces
broutilles végétales ne semblent certes pas représenter grand chose au premier
abord, mais cela en vaut quand même la peine. Et ce n'est déjà pas si mal
!
Aucune plante, nulle manifestation de la Création, pas la moindre feuille
ou tige dans la nature n'est négligeable ou vaine. Et parfois le peu peut vite
devenir le beaucoup, voire l'essentiel.
Avec ces piquants que les citadins voueraient volontiers au néant, purement
et simplement, moi je fais de l'utile.
En puisant dans cette misère, je crée de la richesse. Aussi peu que ce
soit, mais de manière certaine. Il me suffit de me baisser pour la récolter, ce
qui en soi constitue un beau cadeau du ciel. Voici que la pire de toutes les
mauvaise herbes, infâme productrice de douleur, aussi redoutable que des fils
barbelés, alimente finalement mon foyer de ses flammes de joie !
Et puis surtout, le soir j'ai tant de plaisir à voir brûler le loup dans
l'âtre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire