Un jour, tandis que je terminais mon sobre repas de midi, l'orage éclata
au-dessus de mon lieu de retraite. N'ayant plus ni pomme ni noix dans ma
corbeille pour parfaire mon maigre déjeuner, je décidai, en guise de dégustation
finale, de sortir afin de savourer les fruits âpres et distrayants de la
tourmente.
Si je ne pouvais finir de contenter mon estomac avec quelque substantiel
agrément de la table, au moins l'occasion m'était donné de me délecter, dehors,
des artifices et bénéfices de l'intempérie. Une honnête compensation pour une
âme de mon envergure... Le sort me privait certes de dessert mais non pas de
réjouissance.
J'allai donc quérir cet appréciable dû offert par le ciel en furie.
Dès que je franchis le seuil de ma porte, je reçus un éclair en pleine
face. J'en fus tout ébloui. Aussitôt après je sursautai, surpris par le fracas
du tonnerre. Bientôt trempé, suffoquant sous l'averse fraîche et drue, je tentais
de boire un peu de cette pluie, bouche grande ouverte, bras écartés. Là encore
la foudre s'abattit sur la forêt en éclairant mon visage, pénétrant même
jusqu'au fond de ma gorge... J'avalai la providentielle lumière.
Et puis, de nouveau, je fus ébranlé par la déflagration qui
s'ensuivit.
Je me régalai de ce feu olympien autant que de ce concert dantesque. La
peur et la joie mêlées qu'occasionnait en moi ce spectacle fracassant me
faisaient oublier la maigreur de ce festin d'ermite que je venais d'abréger... A
la place, j'avais l'immensité des nues qui me tombait sur la tête, la flamme
céleste qui illuminait la sylve ainsi que mon front, le grondement de l'Univers
qui faisait trembler le sol en même temps que mes os...
Cette intensité me coupait tout reste de fringale, me changeait les idées,
me donnait des ailes.
A présent je n'avais plus faim que de sommets, plus soif que de
sublime.
Une fois passée la fureur éléments, épuisé par l'épreuve, je m'en retournai
dans ma masure, repus de soupe froide, rassasié d'eau claire, mais toujours
aussi insatiable de beauté.
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