mardi 10 juin 2025

57 - Deux corbeaux dans un arbre

Tandis que je vagabondais jusqu'à l'orée de la forêt par une journée automnale nuageuse, j'aperçus deux corbeaux perchés en haut d'un arbre mort. Les branches sombres et sèches montaient vers le ciel comme un spectre en prière. Le duo de corvidés assis côte-à-côte sur un même bras décharné semblait observer paisiblement le monde en bas. Cette simple scène formait un tableau sépulcral saisissant. Une pure esthétique mortuaire se dégageait de cette sobre mais puissante image.
 
Dans leur noir costume, les compères siégeaient sur leur perchoir ainsi que des rois. J'admirais longuement ce théâtre de volatiles emblématiques jouant exactement leur rôle dans le décor naturel. Bien mieux qu'un conte de Perrault, la réalité me montrait ses angles et ses fulgurances sans le moindre filtre.
 
Ces compagnons au plumage éclatant de ténèbres, sagement installés dans leur sommet, brillaient tels des astres contemplatifs sur un paysage semi-lunaire.
 
J'avais devant moi le spectacle à la fois inédit et éternellement recommencé de la Création en marche. La nature peignait en cet instant un chef-d'œuvre éphémère et vivant racontant toute l'histoire des êtres et des choses : ce couple d'oiseau aux allures suprêmes, et qui peut-être ressemblaient tellement à des humains, d'un réalisme cru, total, mêlé à un romantisme sinistre, résumait le miracle, le tragique et la poésie ultime de tout ce qui vit, aime, meurt ici-bas.

Par-delà les effets profonds, les présences magistrales et les formes radicales composant cette peinture aux couleurs crépusculaires, à travers ces incarnations de légendes, ces figures fabuleuses, cette représentation intemporelle enfin, ce qui dominait par-dessus tout et se répandait jusqu'à l'infini, c'était la définitive, l'universelle, la fracassante beauté.

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