En me levant à l'aube je surprends un rat énorme sur ma table, bien gras et
peu farouche. Tandis que je pousse la porte du dehors et que la lumière du jour
pénètre dans la pièce, il s'éclipse paresseusement en direction de l'ombre. Une
volée de corbeaux passe juste au-dessus de moi dans un concert de croisements.
Je constate que des monticules de terre fraîche sont apparus autour de mon
potager, occasionné par des taupes. J'aperçois une vipère dans l'herbe non loin
de moi. Je m'en écarte prudemment et la laisse poursuivre son chemin.
Décidément, dès le matin je suis bien accompagné ! Ma journée s'annonce
radieuse.
L'eau de la rivière qui coule à proximité est idéalement glaciale. J'en
profite pour m'y baigner matinalement, non sans un frisson mêlé de délice.
L'effet revigorant de ce bain de rigueur vaut un café brûlant. Une fois séché au
vent, je fends des bûches à la hache pour le feu. Un excellent exercice sain et
utile qui me permet de me réchauffer rapidement !
Le ciel est chargé, la pluie arrive bientôt : je vais pouvoir m'oxygéner
davantage sous l'onde bienfaisante se déversant sur la forêt, dûment chaussé de
mes fameuses bottes de « balourd des bois ». L'averse me garantit la sérénité et
la solitude de ma promenade méditative. Sous son règne austère, je n'ai aucune
présence citadine à redouter. Grâce à cette bénédiction aqueuse, nul importun
pour venir enlaidir mon espace sacré. L'horizon se maintient au gris fixe et
reste salubrement désert. Un vrai paradis d'ermite !
Mais il est déjà l'heure d'aller me restaurer. Du bon pain, un peu de
fromage et quelques patates me suffisent. Je suis calé pour une éternité de
bonheur ! Me voilà sur le point de partir à la découverte d'une nature nouvelle,
divinement arrosée par un océan de nuages...
En allongeant le pas depuis mon refuge, je m'engage dans une énième
aventure vers un inconnu à dimension humaine, un lointain à l'échelle de mon
humilité, un voyage purement poétique qui ne nécessite pas le moindre bagage, si
ce n'est le plus léger d'entre tous : mon âme.
J'irai ainsi jusqu'au bout de l'Univers, c'est-à-dire au sommet de mes
pensées, au cœur de ce coin reculé où plongent mes racines de sanglier bourru
!
Content de tout, à part des visiteurs trop bien vêtus, je chemine sous les
arbres jusqu'au soir et termine mon tour du monde en retrouvant mon foyer de
célibataire.
Et là, devant l'âtre, fatigué, je continue mon exploration. Mais cette
fois, en déployant mes ailes oniriques pour un vol statique.
Et je vais encore plus haut, ronflant comme un phacochère dans mon lit
bordé d'anges.
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