mercredi 4 juin 2025

49 - Provisions de bois

Mon âpre foyer va bientôt manquer de combustible. La quête du bois et sa coupe font partie intégrante de mon immersion dans ce gouffre de quiétude que représente la forêt. Ce n'est pas qu'une nécessité pragmatique, mais également un jeu, une activité d'ancrage dans le sol, les racines, le passé.
 
Et finalement, un voyage dans les légendes.
 
Activer ma cheminée ne me sert évidemment pas qu'à me réchauffer et à cuisiner, sinon je ne serais qu'un bipède vide à l'intérieur, qu'une bête au coeur froid, qu'une fade créature dénuée intelligence, qu'un homme misérable.
 
La flamme est enchanteresse, céleste, divine.
 
Avant tout, elle éclaire mon âme.
 
Et fait tout le reste en second lieu. La flambée est un spectacle de roi, un festin pour les yeux, une bénédiction dans ma demeure.
 
J'apporte la lumière sous mon toit à coups de haches, contribue à la gloire de la Création à la force des biceps, fais naître le brasier du labeur de mes bras.
 
Je jette la première étincelle dans mon âtre pour y brûler des bûches, comme si j'allumais les étoiles. L'acte a une portée qui dépasse les petitesses du quotidien. Briller pour briller, telle est la fonction principale de ce flambeau au fond de mon gîte.
 
Aller ramasser des branches mortes, les dégrossir puis entreposer ces rouleaux au sec, voilà une besogne qui fait germer en moi les graines d'un vrai bonheur ! Au cours de ces journées de plein effort, je me prépare ainsi à illuminer ma solitude nocturne. En somme, je travaille à l'éclat de mes longues veillées.
 
Même tard le soir, lorsque le feu est en train de mourir, rien ne se perd.
 
De cette mince braise émane le peu de clarté suffisant à nourrir la totalité de mon être. Elle est le maigre soleil de mes nuits, le pâle vigile de mes rêves, le dernier éclair enfoui dans la cendre, l'ultime lueur avant l'aube.
 
Et le jour me réveille pour une nouvelle vie.

Faire ces provisions de rondins, cela équivaut à stocker de la joie.

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