Mon âpre foyer va bientôt manquer de combustible. La quête du bois et sa
coupe font partie intégrante de mon immersion dans ce gouffre de quiétude que
représente la forêt. Ce n'est pas qu'une nécessité pragmatique, mais également
un jeu, une activité d'ancrage dans le sol, les racines, le passé.
Et finalement, un voyage dans les légendes.
Activer ma cheminée ne me sert évidemment pas qu'à me réchauffer et à
cuisiner, sinon je ne serais qu'un bipède vide à l'intérieur, qu'une bête au
coeur froid, qu'une fade créature dénuée intelligence, qu'un homme
misérable.
La flamme est enchanteresse, céleste, divine.
Avant tout, elle éclaire mon âme.
Et fait tout le reste en second lieu. La flambée est un spectacle de roi,
un festin pour les yeux, une bénédiction dans ma demeure.
J'apporte la lumière sous mon toit à coups de haches, contribue à la gloire
de la Création à la force des biceps, fais naître le brasier du labeur de mes
bras.
Je jette la première étincelle dans mon âtre pour y brûler des bûches,
comme si j'allumais les étoiles. L'acte a une portée qui dépasse les petitesses
du quotidien. Briller pour briller, telle est la fonction principale de ce
flambeau au fond de mon gîte.
Aller ramasser des branches mortes, les dégrossir puis entreposer ces
rouleaux au sec, voilà une besogne qui fait germer en moi les graines d'un vrai
bonheur ! Au cours de ces journées de plein effort, je me prépare ainsi à
illuminer ma solitude nocturne. En somme, je travaille à l'éclat de mes longues
veillées.
Même tard le soir, lorsque le feu est en train de mourir, rien ne se
perd.
De cette mince braise émane le peu de clarté suffisant à nourrir la
totalité de mon être. Elle est le maigre soleil de mes nuits, le pâle vigile de
mes rêves, le dernier éclair enfoui dans la cendre, l'ultime lueur avant
l'aube.
Et le jour me réveille pour une nouvelle vie.
Faire ces provisions de rondins, cela équivaut à stocker de la joie.
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