Le sanctuaire dépourvu d'eau courante et d'électricité où je me fais
oublier du reste du monde va bientôt manquer d'éléments vitaux. Je dois donc
aller quérir de quoi entretenir joie et lumière, chaleur et vie, harmonie et
beauté sous mon toit sacré. Je veux parler de ce carburant essentiel de l'âme,
véritable nourriture de mes jours de solitude, que sont les pommes de pin.
Comment vivre sans cet indispensable composant d'un des bonheurs terrestres les
plus abordables qui soit ? J'en ramènerai quelques sacs afin de remplir mon
palais d'épouvantail du vrai lustre dont il a besoin.
En premier lieu ces pignes me servent à allumer le feu ou à le redémarrer,
mais leur sort ne se résume pas à être réduites en cendre dans l'âtre après y
avoir flamboyé un instant. Je ne les destine pas à cet unique usage purement
domestique.
Avec ce trésor à portée du pauvre, que je stocke près de ma cheminée, tout
d'abord j'embaume ma demeure du parfum de la forêt, apportant une présence
chaleureuse entre les murs de mon humble refuge. Ces boules de conifères
diffusent leur mystère dans toute la pièce et lui confèrent un charme agreste
profond, durable, total.
Du fait de leur nature hautement bucolique, de leur aura forestière, de
leur caractère légendaire, de leur aspect rustique, ces fruits de résineux sont
fort représentatifs de mes rêves d'ermite en sabots. Ce sont les illustres
incarnations de ce que la Création fait de rude et beau, de rugueux et aimable,
de fruste et attrayant. En somme, les parfaits reflets de l'hôte de la friche et
des futaies que je suis.
J'en décore toutes les parties de mon logis. Ces modestes ornements
rayonnent dans mon foyer comme de pâles étoiles, d'intimes lueurs sylvestres.
Entouré de ces astres aux ternes éclats d'humus et aux âpres apparences
d'écorce, je suis un gueux heureux.
Je contemple sans jamais me lasser ces sphères aux écailles de bois, flammes végétales discrètes qui irradient tant de douceur poétique... Tout comme
ma chandelle, ma braise et mes bûches, elles contribuent à l'embellissement de
mon quotidien.
Je m'évade ainsi souvent à travers la contemplation interminable et minutieuse de ces corps à la rêche esthétique.
Ces simples choses que je ramasse au pied des arbres et qui font maigrement briller ma masure constituent mon
firmament de solitaire.
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