L'espace intime de mon foyer d'ermite ressemble plus à l'antre d'une bête
des fourrés qu'à un salon feutré des beaux quartiers parisiens. La pénombre y
est définitive, même lorsque j'allume des flambées. J'y entrepose et fais sécher
fagots et bûches, pommes de pin et écorces de troncs, souches et branchages
destinés à brûler dans la cheminée... Les glanes, graines, herbes, ressources
diverses et récoltes opportunes ramenées de la forêt parfument toute la pièce.
J'y respire la bonne odeur de l'humus. Mais également celle du feu de
bois.
Dans cette semi-clarté permanente imprégnée d'effluves végétaux mêlés de
relents de suie, mon esprit trouve une grande paix. Il se dégage une ambiance
rustique sous ce toit sans électricité, ce qui rend le quotidien plus humain,
plus chaleureux. Aucun objet superflu ne pollue le regard, toute la "décoration"
consistant en l'exposition domestique des matières brutes. Poutres de la
charpente et amas sommaires de combustibles sur le sol suffisent à créer une
atmosphère paysanne sobre et authentique. Je reste ainsi en contact étroit avec
les richesses et âpretés de la nature.
Ce clair-obscur de cloître qui règne en mon palais de sanglier remplace
avantageusement les inutiles éclairages artificiels que la technologie moderne
pourrait inventer. Quoi de mieux, en effet, que les jeux de clartés naturelles
pour embellir ma demeure ? Les lueurs du jour et la flamme de mon âtre agissent
sur mon âme comme des ondes bienfaisantes. L'ombre de mon gîte est une seconde
lumière, un crépuscule intérieur, profond et serein. Rien de triste, au
contraire. Cette pâle luminosité forme un cocon mental où je me recueille, où le
temps s'installe et où je puis contempler les choses.
Quand vient le soir, le seul éclat de la braise sous la marmite ou bien de
la bougie posée sur la table fournit assez de beauté et de vie pour alimenter
mon humble joie. Une simple chandelle, quelques modestes tisons, et me voilà
aussi heureux qu'un astre, aussi comblé qu'un roi !
Je deviens alors une étoile au fond de ma bergerie.
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