Je ne dors pas toujours : accroché à mon sommet de solitude, niché au fond de mon cloître de verdure, perdu dans mes hauteurs sublimes et farouches, je contemple la situation avec mon acuité d'ermite... Certains soirs mon sommeil est chassé par des rêves éclatants, alors j'entre dans la nuit les yeux grands ouverts pour un long voyage. Mon âme envahie par des sentiments océaniques se laisse emporter jusqu'à l'aube par des vagues de mystère. Ce qui m'arrive souvent lorsque la Lune resplendit sur la forêt : c'est la gloire de la lumière extatique et le règne de la sérénité.
Je sors de ma demeure à la rencontre des immensités et de leurs hôtes, pars à la découverte d'un invisible qui se dévoile. Des ombres s'allongent au loin, l'horizon s'éclaire peu à peu, quelques nuages se transforment en messages et je lis des mots suprêmes dans le ciel. J'en suis retourné... Devant moi, une forme s'anime dans un arbre. Qu'est-ce ? Un oiseau nocturne ? Je crois discerner deux bras en croix mais la scène reste nébuleuse. Au détour d'un chemin à proximité, un marcheur se dirige droit vers moi ! Ne suis-je donc pas le seul humain ici ? Non, cela doit être un animal... Je regarde autour de moi, soudain tout redevient paisible. Il n'y a plus que le vide et le silence.
A moins que ces illusions ne soient, précisément, les signes de mon éveil...
Les nues sont profondes et les ténèbres brillent. Un théâtre céleste s'ouvre spécialement pour moi. La sylve rejoint la sphère astrale pour se mêler au firmament. La frontière entre la terre et les étoiles disparaît, je me retrouve dans une ambiance purement sidérale, là dans ce décor végétal. Les ramures au-dessus de ma tête forment d'étranges étendues mouvantes où je m'engouffre comme dans un brouillard opaque, guidé par une chimère dont la robe ressemble à un reflet lunaire et la voix s'apparente à la brise...
Tout s'élève, s'agrandit, prend des allures vertigineuses. Les chênes, ainsi que des silhouettes démesurées, atteignent les constellations. Les herbes mortes deviennent une foule d'elfes fous, ou peut-être un flot de flammes floues. Une simple brume se prolonge jusqu'à se confondre infiniment avec l'effrayante obscurité des bois...
Une tempête subtile est en train d'ébranler cet univers, tandis que tout somnole.
Le temps a des airs cosmiques, mes repères s'ajustent avec l'heure des géants sur le cadran poétique. Et je me sens écrasé par la majesté des cimes de ce monde nouveau.
Un souffle me soulève : j'ai des ailes et je vole dans les altitudes sacrées de l'ailleurs.
Avant de me poser calmement au point du jour tel un papillon, assis sur le sol humecté de rosée, légèrement ébloui par les rayons du Soleil.
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