Ce soir, impossible de trouver le sommeil : la nuit est illuminée. Le
disque lunaire répand ses rayons polaires sur la forêt. Dehors tout est trop
beau, la clarté sépulcrale s'harmonisant avec une délicieuse mélancolie au
silence tombal. Je sors, succombant à l'appel de cette poésie morbide.
Je me sais seul au monde sans vraiment l'être, avec cet astre comme une
énorme boule de mort au-dessus de ma tête. Autour de moi, tout s'enflamme
funèbrement sous la lumière de glace. La Lune irradie de tristesse dans le ciel
et sur la Terre.
Dans cette ambiance, je suis aux anges près de mon logis caché au fond des
bois : le calme, la solitude, le mystère, tel est mon univers.
Mais bientôt toute cette sérénité devient suspecte, imprégnée d'autres
réalités, peuplée de fugaces présences... Je me retourne, sentant je ne sais
quel invisible regard peser sur mon dos. Ange gardien ou sombre nature ? Esprit
clair ou obscure incarnation ? Emanation de l'éther ou des ténèbres ?
Je crois discerner des formes furtives derrière les buissons, apercevoir
des bras enlaçant des troncs, deviner des visages dans les feuillages. J'entends
même des chuchotements à travers le bruit de mes pas dans l'herbe.
Que me veulent ces étranges visiteurs ? Je l'ignore. Mais l'essentiel c'est
que les hôtes informels de ces lieux restent discret. Tant qu'ils se confondent
avec les éléments, après tout ils ne font que passer...
Non, finalement je ne suis pas le dernier des vivants parmi ces arbres. Des
entités m'accompagnent, des ombres m'observent, des êtres me suivent à la trace.
Et peut-être bien aussi que des mains me frôlent, à moins que ce ne soient que
les facéties de la brise...
Toujours est-il que mes rêves sont là, dans ce décor idéal. Entre envol de
l'âme et frissons. Dans chaque reflet nocturne je vois des éclats de bonheur
intime. Ou des promesses de lugubre insomnie...
Qu'ils soient favorables ou plus sinistres, ces fantômes s'évanouiront de
toute façon dès le lever du jour.
En attendant que l'aube dissipe ces brumes et rompe le charme, je demeure
au milieu des feuillus à contempler la beauté cadavérique du satellite.
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