Dans mon refuge niché au coeur de la végétation, je progresse au rythme de la
nature et m'éclaire à la bougie. Autant dire que je n'avance pas vite : pas
après pas, jour après jour, chose après chose. Je fais ce que je dois faire, ne
regardant que le cadran des saisons. Je ne suis pas plus rapide que la sève qui
sourde ou que l'eau de la rivière qui coule.
L'éclat de ma chandelle me suffit amplement pour ensoleiller ma demeure.
Cette lanterne d'intérieur me tient intimement compagnie car elle est comme une
vivante présence. Je trouve bien plus de chaleur, de poésie et de réconfort dans
cette humble flamme que dans une froide ampoule électrique.
Lorsque j'allume mon cierge, ce n'est pas pour illuminer uniformément la
pièce mais pour la plonger dans une chaleureuse pénombre. Ce clair-obscur donne
du relief à la solitude et au silence.
Et surtout, il fait apparaître des ombres pleines de vie.
Les murs autour de moi s'animent et je vois des géants se mouvoir au gré de
cette goutte de feu s'agitant au bout de la mèche. Mon logis se peuple alors
d'hôtes venus d'un autre monde, d'entités mystérieuses qui surgissent de nulle
part et tremblotent dans les coins, glissent sur la pierre, se cachent dans les
angles de la charpente...
Chez moi c'est la danse joyeuse des spectres de la nuit. Et la fête dans
mon âme.
Avec cet unique flambeau posé sur le bord de la table, faiblement secondé
par les braises de la cheminée, je passe de longues soirées à rêver sous mon
toit d'ermite.
Je n'ai plus que des pensées ardentes pour m'occuper totalement.
Dans mon foyer de célibataire marié aux arbres de la forêt, la maigre
source de mon chandelier fournit assez de lumière pour alimenter et entretenir
mon bonheur. C'est à la lueur de cette étincelle qu'aux heures choisies je
brille d'intelligence et de simplicité.
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